Le chèche :
L'origine de l'alechcho a fait couler beaucoup d'encre. Souvent
appelé litham, expression inconnue au Hoggar, l'alechcho
ou tâdjoûlmoust est constitué de plusieurs
bandes d'étoffe cousues, brillantes comme du papier carbone,
de 3,50 m environ. Son prix est exorbitant. Il n'est plus guère
employé que les jours de cérémonies. Dans la
vie courante on utilise le chèche, noir ou blanc. Il en faut
plus de huit mètres pour obtenir ce couvre-chef en forme de
plateau qu'affectionnent les Touaregs. Certains prétendent
que le port du voile résulterait de l'anathème lancé
aux guerriers vaincus, à la suite de combats à Misratah
(Tripolitaine) ou à Ouargla, par les femmes de ceux-ci: «Puisque
vous n'avez pas su vaincre comme des hommes, vous porterez désormais
le voile des femmes
«La
parole voilée»
«Les convenances privilégient une manière particulière
d'utiliser la tamachek, jugée, tout autant que la langue elle-même,
caractéristique de l'être touareg. Il n'est pas convenable
de dire les choses trop abruptement, et l'on aime à faire aller
son propos en le dissimulant à demi sous un lacis serré
de métaphores, de litotes et de sous-entendus.»
Une figure, quelle qu'elle soit, sera appelée samal
lorsque l'intention du locuteur est d'expliciter son propos, de lui
donner un tour plus parlant, et tângalt lorsque son intention
est au contraire d'en atténuer la clarté ; et s'il
n'est pas interdit d'user de samal à l'occasion, c'est
sous le régime de la tângalt que le Touareg bien
né se doit de s'exprimer. Par exemple, si X, parlant à
Z de Y, lui dit : «Mets-lui un collier rouge», il fait une
tângalt qui signifie «fais-lui couper la tête».
Les Hommes Voilés
«Pour un homme adulte, porter le
voile, c'est marquer qu'il sait parler avec mesure et discernement.
Le Touareg voile sa bouche en signe qu'il sait voiler son propos,
que ses paroles sont parcimonieusement proférées. Et
comme la tângalt elle-même, le voile laisse entrevoir
en même temps qu'il dissimule : il est une manière de
le manipuler, d'abaisser ou d'élever ses pans, qui permet d'exprimer
ses sentiments dans le moment même où on dérobe
son visage aux regards»
Dominique Casajus, introduction aux Chants touaregs, recueillis et
traduits par Charles de Foucauld, Albin Michel, Paris, 1997.
Cette manipulation du voile nous
fait penser à ces vedettes de télévision qui cachent
derrière des lunettes noires un regard qui pourrait en dire trop...;
La thèse de Dominique Casajus est séduisante. Il y a eu
au fil des temps d'autres raisons de porter le tâdjoûlmoust,
signe de respect vis-à-vis des parents, d'un notable, protection
contre la poussière, les ardeurs du soleil, tradition importée
de leurs lointains ancêtres...
Ces textes sont extraits du
Guide Bleu Hachette 2000